Ania & Gabriel, créateurs d’Escape Games à Paris

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En seulement quelques années, des dizaines d’Escape Games se sont ouverts un peu partout dans le monde.
Le jeu (IRL hein) consiste à parvenir, en équipe, à s’échapper d’une pièce close dans une durée limitée. Pour y arriver, les joueurs doivent chercher des indices disséminés dans la pièce et résoudre des énigmes.

Des Alumni d’ISART DIGITAL (Gabriel Périer & Ania Mouravnik) se sont lancés dans l’aventure. Nous les avons retrouvés au coeur de Paris, nous avons testé leurs escape rooms, nous les avons interviewés héhé!

école du jeu vidéo
légende : Gabriel et Ania à Team-Time en compagnie de Cyril Villalonga, Davy Mourier, Anthony Morel et Aleksi Briclot

ISART BLOG : Bonjour Gabriel, Bonjour Ania ! Alors on va commencer par vous remercier pour les deux supers moments passés dans l’espace clos de vos escape games !! Absolument génial !

Ania

Bonjour la Team ! Ravis que ça vous ait plu !

Gabriel

Hello ! C’était un plaisir de vous voir évoluer et prendre peur dans l’asile ! Je vous attends dans “Very Bad Night” maintenant 🙂

IB : Pouvez-vous nous expliquer les univers de vos escape games ?

Ania

Autant dire que l’univers est plutôt lugubre dans mes salles, que ce soit le “Bunker Zombie” que vous venez de tester, ou “Mafia District” qui vient d’ouvrir !
Ce choix s’est fait assez naturellement, car l’Escape Game doit être, selon moi, un jeu immersif avant tout, et qui joue sur vos émotions. Il faut qu’à la fin du jeu, le joueur soit rempli de nouvelles sensations.

 

IB : Quelles émotions peut-on susciter ?
– La tristesse ? Je n’étais pas partie pour faire un Escape dépressif qui fait pleurer les gens.
– La colère ? Surtout pas (on en parle de la casse dans les salles? 😀 ).
– Le “romantisme” ? Mh, les Escape Games érotiques vont finir par arriver mais bon… Je ne voulais pas commencer par ça !
Il me restait le rire ou la peur.
Le rire me semble beaucoup plus subjectif que la peur, car selon moi chaque personne a un sens de l’humour différent. Ce qui en fait rire un, risque de ne pas du tout amuser un autre. Pourtant, on peut bien doser et gagner le pari en voyant l’exemple de la nouvelle salle de Gabriel, “Very Bad Night”, où même si tout ne fait pas forcément rire chaque équipe, l’ambiance est brillamment traduite.

 

Mais selon moi, la peur… C’est l’émotion parfaite ! Donner une réelle motivation aux joueurs de s’enfuir avant 60 minutes en leur mettant une vraie pression, en faisant monter leur adrénaline, c’était CA que je voulais !
Ensuite, les zombies, c’était assez évident. Thème à la mode, que tout le monde connait, parfait pour intéresser les gens, même ceux qui ne connaissent pas encore le concept. Pour “Mafia District”, je voulais un scénario original qu’on n’avait pas du tout vu sur Paris, donc j’ai misé sur le Cartel colombien…

 


Au final, je n’avais pas réalisé d’étude de marché sur les thématiques existantes à Paris, mais il s’est révélé qu’à ce jour, il n’y a que 4 salles “sombres” à Paris : “Lost Asylum” de Gabriel, “Le Bunker Zombie”, “Mafia District” et une autre salle.

Gabriel

Tout comme celui d’Ania, “Lost Asylum” se déroule donc dans un univers assez horrifique. C’est une thématique qui se prête particulièrement à la notion d’enfermement. Nous avons réfléchi à plusieurs univers qui pouvaient coller, et l’asile psychiatrique nous est rapidement venu en tête.

Cependant, après avoir fait l’asile, nous avons décidé d’explorer une thématique bien différente de la peur : l’humour ! Désormais, depuis début octobre, nous ne faisons pas seulement peur aux joueurs dans “Lost Asylum”, mais nous les faisons rire dans “Very bad Night”, une salle dans laquelle les joueurs se réveillent avec la gueule de bois. L’objectif ? Se rappeler de ce qui s’est passé la veille à travers les différentes énigmes. Et ça marche du tonnerre !

IB : Tout le monde peut-il jouer à vos Escape Games du coup ?

Ania

L’expérience du “Bunker Zombie” de Team Time est déconseillée aux moins de 15 ans venant seuls, ou aux moins de 12 ans accompagnés. Pour “Mafia District” on préfère dire 15 ans tout court (même accompagnés, plus jeune c’est pas top). La difficulté n’est pas adaptée aux enfants, et l’ambiance encore moins.
C’est vrai qu’il y a plusieurs types de joueurs, ceux qui sont + terre-à-terre, qui savent que c’est un jeu et qui n’ont pas peur, et les joueurs qu’on préfère, qui rentrent complètement dans l’ambiance et du coup un peu trop parfois … 😀
J’ai déjà eu 5 équipes où des filles ont pleuré, et plusieurs équipes avec des enfants de 12-13 ans qui ont demandé à sortir de la salle !

Gabriel

On s’adresse à un public qui a envie de se faire peur. Mise à part une restriction d’âge minimum, nous ne nous adressons pas forcément à un public geek ou fan de jeux vidéo comme on pourrait le penser. “Lost Asylum” est un univers sombre, oui, mais on est quand même parti sur l’opposé avec la seconde salle : “Very Bad Night”. On reste cependant toujours dans l’optique de faire vivre quelque chose de fort aux joueurs.

IB : Comment a germé l’idée de créer ce type de divertissement ?

Ania

Lors d’un de mes voyages à Moscou en 2014 (je viens de là bas donc j’y retourne plusieurs fois par an), j’ai par hasard entendu parler des Escape Games par une amie. Nous y sommes allées et en ressortant j’ai dis : “C’est ça. C’est exactement ce que je veux faire.” De retour en France, j’en ai tout de suite parlé à mon père. J’ai dû un peu insister sur le fait que c’était génial car c’était pas gagné ( 😀 ) puis je lui ai dis que je le ferais tester. Nous avons testé Hint Hunt, une salle très classique, donc j’ai bien dû insister en lui disant qu’on ferait quelque chose de très différent, mais qu’ici il voyait juste le concept.

 

Il a accroché. J’ai donc ouvert la société.
La première semaine d’ouverture de “Bunker Zombie”, ça a commencé doucement évidemment, puis il y a eu + de résas, et pendant la semaine du nouvel An, j’ai eu 40 créneaux réservés ! Autant dire que c’était inattendu et que j’ai très peu dormi car j’étais la seule à y bosser ! Donc j’y étais le 31 au soir et le 1er janvier (j’ai fais + de 60h sur place).

 

J’ai 3 associés : Mon père (électronique/programmation), Benoit (électronique, électricité, construction du bunker, homme aux mains d’or !)et Alex, un ami de mon père (design de la salle d’accueil / bar à jeu, aide à la construction avec Benoit).

Légende : L’espace de jeux et d’accueil Team-Time terminé !

 

Même si au début nous avons fait un prêt, maintenant une seconde salle  et le RDC ont été créés grâce aux revenus de la première salle. Nous préférons réinvestir et recruter plutôt que de nous verser un salaire.

Gabriel

Mon frère François a commencé à faire des Escape Games avec ses amis puis je me suis greffé au groupe pour faire également des parties. Très rapidement, on en a fait de nombreux et l’idée est venue d’en créer un. Etant donné que je fais du game design, on peut dire que j’étais bien placé pour la conception de jeu ! L’envie était d’autant plus présente que c’est un domaine assez nouveau.
Le public a rapidement répondu présent. Actuellement nous avons recruté de nouveaux Maîtres du jeu pour la gestion de “Lost Asylum” et de “Very Bad Night” qui a ouvert il y a quelques semaines. En plus des trois fondateurs, il y a actuellement 5 maîtres du jeu.
Personnellement, en parallèle, je propose également mes services de Game Designer pour tout ceux qui souhaitent ouvrir leur propre salle.

IB : Comment arrivez vous à sortir du lot dans un contexte aussi concurrentiel ?

Ania

Nos thématiques suscitent de la curiosité. Les mots “asile”, “hôpital psychiatrique abandonné”, “lendemain de soirée”, “bunker”, “zombie”, ou “mafia” éveillent de l’intérêt. De plus, pas mal de blogueurs sont venus tester nos salles, et ont écrit des articles sur leurs sites respectifs. Nos 4 salles font parties du TOP parisien sur la quasi totalité de ces sites. La plupart des gens recherchent via ces comparatifs, ou encore sur TripAdvisor.
Enfin, il n’y a que 4 salles à ce jour avec des thèmes “sombres”, et une seule salle “fun” donc ça nous sort du lot également.

 

 

Gabriel

Les thématiques sont extrêmement importantes, mais également les retours des joueurs et de la presse. “Lost Asylum” et “Very Bad Night” ont eu de très bons retours sur ces deux points, nous avons donc eu assez rapidement des joueurs, puis le bouche à oreille a également bien aidé. La preuve, dès son ouverture, notre seconde salle a très rapidement affiché complet !
En plus d’accorder une très grande importance à l’accueil des joueurs, nous avons voulu surprendre via certains procédés dans la salle les joueurs habitués d’Escape Games. Lorsqu’on entend un joueur dire qu’il pensait avoir fait le tour des Escape Games et qu’il a réussi à être surpris, c’est que le contrat a été bien rempli !

IB : Dans la conception d’un jeu vidéo, la notion de “rejouabilité” est très préoccupante, qu’en est-il dans le cas d’un escape game ?

Ania

L’expérience des villes pionnières (telle que Budapest) montre qu’un Escape Game peut avoir une durée de vie plutôt importante pour un divertissement à “usage unique”. Là bas, certaines salles ont déjà 6 ans. La rejouabilité est ici possible (comme le sous-marin de Hint Hunt) mais pas nécessaire. Le public se renouvelle, les lycéens deviennent étudiants et donc plus indépendants financièrement etc. En plus, ça fait plus de deux ans et demi que les Escape Games existent à Paris, et 90% du temps lorsqu’on me demande ce que je fais, les gens ne connaissent pas encore le concept. C’est qu’il y a encore du public à toucher !

 

Légende : Une partie des Game Masters de Team-Time.

 

Donc oui, nous ne fidélisons pas le client, surtout lorsque nous sommes une petite enseigne avec 1 ou 2 salles, mais nous avons un climat amical et non concurrent avec les autres Escape (seulement ceux dans lesquels on s’est amusé bien sûr!) et nous réorientons nos joueurs vers leurs salles après leur passage chez nous, ou même par téléphone lorsque nous sommes complets. C’est agréable d’avoir ce genre de réseau ouvert, où règne un bon climat.

Gabriel

Actuellement la rejouabilité d’une salle est proche du néant. Quel intérêt de refaire un scénario si on l’a déjà fait ? Alors oui, on pourrait refaire la même salle et changer le scénario, mais dans un escape game, il y a la magie de la découverte des lieux, découvrir de nouvelles salles, etc… on perd de cette magie si on revient faire la même salle, on connait déjà les décors. Il existe des dizaines et des dizaines de salles sur Paris, je ne peux que conseiller aux joueurs d’aller se rendre dans un autre univers. On n’hésite pas à conseiller Team Time à nos joueurs, si ils ont aimé l’expérience de jeu chez nous, ils aimeront également le “Bunker Zombie” ou “Mafia District”!

IB : Redoutez vous le spoil ?

Ania

Il semble évident qu’un joueur ne voudra pas “spoiler” ses amis à qui il conseille de venir jouer, ni même les autres internautes sur TripAdvisor ou Facebook en donnant son avis.
Les blogueurs et journalistes sont suffisamment consciencieux pour garder le mystère.

Gabriel

Et quand bien même des réponses fuiteraient sur le net, il faudrait qu’un joueur se renseigne dessus pour avoir les réponses. Dans ce cas, il se gâcherait tout seul le plaisir du jeu ! Donc au final, ce n’est pas vraiment une inquiétude.


IB : Selon vous, les murder-party, les Grandeurs Natures et les escape games appartiennent-ils tous à la même famille de divertissement ?

Ania

L’Escape Game c’est du grandeur nature “tout public”. Tu n’a pas besoin d’être impliqué, d’avoir des connaissances particulières, des acquis ou des costumes ou accessoires. Dans les autres jeux IRL, il faut avoir un certain background, connaitre les règles, parfois avoir de l’expérience. Ça reste quand même un public très différent à mon sens. Les GN sont plus orientés public spécialisé, plus “geek”, plus méticuleux et investi.

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Légende : Ania est sortie d’une école de jeux vidéo… elle a visiblement trop joué à GTA

Gabriel

Je classerai les murder party et les escape game dans la même famille de divertissement ! Ce sont tous les deux des jeux grand public qui arrivent à intéresser des personnalités qui ne sont pas forcément adeptes de jeux. Ce sont également deux événements qui se déroulent sur une courte période de temps avec un objectif clair et net. A l’inverse, les Grandeurs Natures n’ont pas forcément un objectif certain, la durée est également très variable, et surtout, la partie Roleplay prend une place bien plus importante que lors des murders party et des Escape Games.

IB : Quel avenir pour les escape games selon vous ?

Ania

Je pense que l’Escape Game n’est que le début d’une nouvelle branche de divertissement. Les gens ont eu une grosse dose de jeux vidéo en très peu de temps, avec énormément d’innovations toutes plus géniales les unes que les autres. Mais le jeu actuel avec les améliorations qu’il propose,  tend vers la réalité. Les commentaires “réalisme dingue !” fusent de partout. Donc à travers le jeu, on veut à tout prix reproduire de la réalité améliorée (bon, avec des pouvoirs super cools ouais :D)
L’Escape Game va évoluer lui aussi, mais son avantage, c’est que le joueur est physiquement immergé dans une nouvelle réalité. Et en plus, il interagit avec ses vrais amis, pas des bots, et pas des personnes connectées inconnues. Je pense que le plus intéressant est à venir. Et on va bien s’amuser.

 

 

Gabriel

Quand on compare le marché français avec d’autres pays qui ont connus les escape games plus tôt, on peut difficilement penser que ce soit un effet de mode. Evidemment il va y avoir un moment où il y aura un embouteillage, et le marché va finir par se tasser. Cependant, au niveau de la création des salles, il y a encore de quoi faire. Le concept est encore très jeune, et l’avenir nous prépare que du bons pour surprendre et amuser les futurs joueurs.

IB : Merci et à bientôt pour de nouvelles aventures !

Gabriel et Ania vous invite, amis isartiens, à venir hurler de peur ou de rire dans leurs escapes games et vous font une réduction sur présentation de votre carte d’étudiant !

Toutes les infos
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