Pierre, Producer dans une entreprise de JV à Prague

Publié le 

Pierre ANDRE, promo Game Design 2005,  a accepté de partager son expérience dans le jeu vidéo avec nous, avant de partir faire le tour du monde…

ISART BLOG: Bonjour Pierre, du temps a passé depuis la fin de l’école….quels souvenirs gardes-tu de tes années à ISART?

Excellents, je suis encore en contact avec la plupart des gens de ma promo, certains sont devenus des amis proches. Et de même avec le staff !

IB : Et de ton projet de fin d’année?

Kabuki est un jeu de duel inspiré par les FPS à la Quake, dans un univers tiré du théâtre Japonais. Sa particularité est que le level design est dynamique, la map se modifie drastiquement au fil du round.

Avec beaucoup de recul (5 ans!) ça a été formateur et révélateur : j’ai surtout participé à la phase de design et d’implémentation/tunning du projet (j’étais en fin de projet dans le cadre de mon stage). La réalisation en elle-même a été assurée par Nicolas et Thibault (le succès que Kabuki a pu rencontrer dans les concours est principalement du à leur énorme investissement).

 

IB : Tu peux nous en dire un peu plus sur tes expériences professionnelles pendant l’école?

J’étais en stage chez Magic Pockets durant la dernière année pour la production de Ghost Rider DS.  J’ai eu la chance de toucher au level design en préproduction puis au game design. Je suis très content d’avoir pu commencer dans une petite boite (11 personnes), à produire un titre facile d’accès et fun (action plateformer sur DS), pour un éditeur mondial (2kgames), regardant sur la qualité et avec la contrainte de respecter un contenu créatif “fort” pour le contracter (Marvel).
C’est un super bac à sable, à tous les niveaux : la taille de l’équipe fait que chacun impacte très fort sur le jeu, on reste très agiles, l’objectif est souvent clair et à portée technique, le client n’est pas indiffèrent au travail de l’équipe, et on vise à faire un bon travail autant qu’à livrer dans le budget.

 

IB : Et depuis ton diplôme, qu’as-tu fait ?

Magic Pockets était à l’époque dans le giron de PAM Dev, qui venait de livrer Top Spin 2. A la fin de mon stage, PAM m’a offert un job de designer, pour faire du concept sur des choses neuves. J’ai aussi participé en marge à la préprod de Top Spin 3. Ca a duré environ 6 mois avant qu’on me propose de m’essayer à la production. J’étais Associate prod, puis Junior prod à la fin de TS3.

Ca a commencé par le très instructif “dirty work” sur Top Spin 3 : localisation, tracking des taches des différentes équipes, maintient de la bugbase, préparation des builds, etc. Cela m’a permis de prendre conscience de l’inertie d’une équipe large qui produit un AAA et de ce que ça implique en amont, à tous les niveaux (techniques, créatifs, budgétaires). Et plus intéressant encore, de comprendre les rapports entre design, art, engineering, production, marketing – les challenges auquels tous ces gens sont confrontés individuellement et en tant qu’équipe, alors qu’on traverse tous le processus un peu mystique de la création d’un jeu vidéo. Ce dernier point est probablement celui qui m’a au final le plus intéressé, et décidé a rester a la prod, et a tenter de développer les compétences adéquates.
2kgames a ensuite fermé PAM, et une fraction de l’équipe a fait le choix de rejoindre 2kCzech à Prague, qui bataillait avec Mafia 2. J’ai décidé d’en être également. En transition dans un autre pays, on remplace le management du studio dans lequel on arrive, il faut recruter une grande partie de l’équipe pour Top Spin, beaucoup d’outsourcing avec les gens de 2KChina, et on arrive à coté d’un Mafia 2 en pleine prod.

Producteur sur TS4,  puis sur la fin de Mafia 2, et sur un projet pas encore annoncé, avant de démissionner en Mars 2011, pour souffler un bon coup et me balader.

 

IB : Quelles ont été les difficultés rencontrées et les réussites ?

Pas facile de trouver sa place à 21 ans dans une équipe très senior… et puis trouver sa place et faire son travail à sa manière, en ayant bien conscience de ce qu’on réussit et ce qu’on rate, et pourquoi. Avoir maintenant suffisamment confiance pour savoir comment je veux et ne veux pas travailler. Ne plus prendre la pression très brutalement et trop personnellement, et pouvoir tirer plus facilement des leçons fortes et positives. Avoir une bonne conscience de son travail et de sa progression est à mon avis ce qui sauve du burn-out, dans une industrie où la pression arrive vite et fort, où les rôles et attentes envers chacun sont souvent floues, et où on peut vite glisser dans le cynisme passif ou les situations de travail ubuesques qu’on lit dans la presse.

 

IB : Quelles différences as-tu pu constater entre une prod francaise et une prod tchèque ?

La production de Mafia 2 a duré bien plus longtemps, et a traversé des changements d’orientation, de technologie et de management bien trop critiques pour que je puisse la comparer avec une autre prod. C’est une prod unique dans l’industrie, elle appartient à son contexte.

IB : Il fait bon vivre à Prague ?

Prague, une capitale superbe, à taille humaine, avec un mix d’europe de l’ouest, du centre et de l’est unique, une culture de la liberté et de la fête qui change de Paris, un bon launchpad pour aller dans d’autres pays d’Europe, et la pinte de bière à 1 euro.
Dans le moins, la nourriture, le manque de lumière 6 mois par an, la mer à plus de 1000 bornes (j’ai grandi sur une île), les ascenseurs.

 

IB : Et aujourd’hui, quels sont tes projets perso et pro ?

Voyager, digérer cette expérience, et trouver une nouvelle équipe de travail!

 

IB : Un conseil pour celles et ceux qui  rêvent de travailler à l’étranger ?

Parler anglais et ne pas sous-estimer pas la pression : celle que vous allez vous mettre et celle que vous allez subir. Ne pas se  laisser intimider par les problèmes humains ou professionnels : rappelez-vous que vous êtes entouré de gens formés et rémunérés pour les résoudre!