Nicolas a créé son entreprise au Viet-Nam

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Nicolas Leymonerie, ancien Isartien, s’est expatrié au Viet-Nam.
Il nous raconte son aventure professionnelle et le dépaysement culturel.

ISART BLOG : Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Nicolas Leymonerie et j’ai 29 ans. Le parcours qui m’a mené au jeu vidéo commence par un bac S suivi d’un DUT en informatique. Alors que je m’orientais logiquement vers une formation d’ingénieur, malgré un gout prononcé pour les arts et la création, j’ai eu la chance de recevoir les conseils de GameLoft lors d’un entretien d’embauche comme programmeur système. En effet, après présentation de mes travaux, on m’a recommandé de postuler en tant que Game Designer, métier que j’ignorais à l’époque. A cette époque, les formations en Game Design comme celle de l’ISART étaient balbutiantes en France et c’est tout naturellement que je m’inscrivis pour 2 années de formation dans cette école. Professionnellement, j’ai débuté comme Level Designer sur SSX3 pour Game Boy Advance. Ensuite je fus employé 3 ans par Cyanide Studio, dont les 2 premiers en alternance pendant le cursus scolaire.

 

IB : Pourquoi avoir choisi de partir au Viêt-Nam?

Loin d’être un globe-trotter, je n’avais jamais pris l’avion avant de partir au Viêt-Nam et je n’avais pas vraiment imaginé partir travailler à l’étranger jusque-là. L’opportunité s’est présentée lorsque j’ai choisi de suivre celle qui, depuis est devenue mon épouse, alors qu’elle décidait de retourner dans son pays à la fin de ses études. Professionnellement, malgré une offre de CDI, les perspectives ne me semblaient guère flatteuses, ce qui m’a aidé à me décider.

 

IB : Comment t’es-tu préparé au départ ?

Le départ s’est décidé en peu de temps et par conséquent la préparation s’est réduite au minimum. Par ailleurs, ma belle-famille avait de quoi m’accueillir et me permettre de faire une recherche de travail sur place.

 

IB : Maîtrisais-tu la langue vietnamienne avant de partir ?

Juste quelques notions très basiques : compter, bonjour, merci, au revoir. La langue vietnamienne est assez difficile à parler mais est relativement accessible à l’écrit. Je peux m’estimer heureux de pouvoir la parler à peu près correctement aujourd’hui grâce à de bonnes prédispositions. La connaissance de la langue est importante pour pouvoir s’intégrer socialement et professionnellement. Dans un premier temps, l’anglais peut servir de roue de secours.

IB : Quelles sont les valeurs fortes au Viêt-Nam ?

Le Viêt-Nam cultive des valeurs très profondes, à savoir le respect des anciens et des traditions, la pudeur, la morale, l’humilité, le partage, le goût des choses simples, la vie en communauté et une certaine joie de vivre.

 

IB : Et pour l’aspect professionnel ?

C’est un pays très dynamique mais l’adaptation au monde du travail local exige de véritables efforts. Les Vietnamiens sont davantage dans une logique de production que dans la créativité ou l’esprit critique. Quand je suis arrivé là-bas, il n’existait quasiment aucun studio de jeu vidéo indépendant digne de ce nom. En revanche il y avait beaucoup d’éditeurs pour des jeux chinois ou coréens on-line.
Mon principal objectif a été de trouver une entreprise dans ce secteur naissant.
J’ai ainsi pu rejoindre une équipe de jeunes débutants au sein d’une pépinière d’entreprises qui tentait de développer des MMORPG. Rapidement cette équipe s’est faite absorber par le plus gros éditeur du pays.

 

IB : Comment est venue l’idée de créer ton entreprise ?

Après un passage par de la programmation sur système embarqué dans une grande entreprise, j’ai décidé de me lancer dans la création de ma propre société, Phuong Hoang Enix (Phenix).Comme dit précédemment il y avait peu de studios de développement de jeux vidéo, le mieux c’était d’en créer un. Le fait de créer ma propre société m’assure également une stabilité car le renouvellement d’un visa dépend beaucoup de la situation professionnelle.

 

IB : Quelle est l’activité de Phuong Hoang Enix?

Dans un premier temps, j’ai lancé l’entreprise dans la création de sites web et embauché mes deux premiers employés comme développeurs. Puis nous avons eu notre premier contrat dans le jeu vidéo (réalisation de graphismes pour une collection de quatre jeux pour enfants sur Nintendo DS).

Plus récemment et par l’intermédiaire d’un ancien élève de ISART, nous avons réalisé les scènes cinématiques d’un jeu à paraître sur Xbox360.

Maintenant la société commence à être mure pour le développement de jeux vidéo. Après la réalisation d’un prototype en « Flash 3D », Phenix vient de terminer sa première application pour l’Iphone qui devrait être disponible très prochainement : Tony. Il s’agit d’un jeu éducatif pour très jeunes enfants.

 

IB : Quels sont tes projets ?

J’espère faire prendre un tournant à ma société en la faisant passer de l’état de start-up à celui d’acteur majeur du développement de jeu vidéo au Vietnam dans les 2-3 ans à venir.
En parallèle, j’ai monté la branche vietnamienne de l’IGDA. Et la création de l’association vietnamienne dédiée au développement de jeux vidéo (VGDA) est en cours. Elle aura pour but de favoriser et d’accompagner la croissance des studios vietnamiens.

J’ai aussi pour projet d’ouvrir un centre de formation en création vidéo ludique afin de former les talents de demain et ainsi pallier au manque de personnel qualifié.

IB : Quels conseils donnerais-tu à ceux qui veulent faire comme toi?

Je conseillerais, en blaguant à moitié, de fonder une famille : rien de tel pour trouver la motivation et le sens des responsabilités nécessaire à ce genre d’aventure sur le long terme.
Ne pas se lancer sur la simple envie d’être dépaysé car après le dépaysement vient le mal du pays. C’est seulement cette étape passée que l’on peut envisager de rester et construire quelque chose de durable et solide.
A part ça, il faut être curieux, compétent et créatif, et surtout avoir une idée globale de la stratégie de la société. Inutile de faire un business plan très détaillé car rien ne se passe comme prévu, il faut privilégier la flexibilité. Ainsi « ne pas mettre tous les œufs dans le même panier » doit devenir une maxime pour prévenir les situations difficiles (ce qui est souvent le cas).
Quand on projette de vivre ou travailler à l’étranger, il faut faire un effort pour respecter et s’assimiler au mieux à la culture locale. Et ce, afin d’être traité en égal et instaurer une relation de confiance avec les partenaires locaux sans lesquels il est difficile d’envisager un quelconque succès.
Pour finir je dirais qu’il est important de semer un maximum (multiplier les contacts, collecter des informations, varier les activités et les projets…) pour pouvoir assurer une bonne récolte.
Pour le reste, croire en sa bonne étoile !