Christophe, créateur du jeu vidéo Save me Mr Tako : Tasukete Tako-San 

Publié le 

À seulement 23 ans, Christophe est déjà sur le point de sortir son 1er jeu vidéo, « Save me Mr Tako : Tasukete Tako-San », sur Nintendo Switch et PC. Une très belle aventure qui commence pour lui après une formation en Game Design & Programming à ISART.

 

ISART BLOG – Tout d’abord, parle-nous un peu de ton parcours. Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler dans le jeu vidéo ?

Ma passion pour le jeu vidéo a commencé très tôt, mon grand frère est collectionneur de jeux. Du coup, j’ai grandi entouré de classiques, notamment des jeux Nintendo. Les JRPG sont devenus mon genre de jeu préféré et j’ai commencé à inventer des histoires de ce genre pour m’évader. A 12 ans, un pote de collège m’a parlé de RPG Maker, c’est là où j’ai vraiment commencé à créer des jeux, à les présenter sur des forums et à apprendre le Pixel Art en autodidacte. Après avoir passé mon BAC, je suis parti à Paris pour faire ISART, où j’ai appris la programmation, la compétence qu’il me manquait. J’ai trouvé mon premier stage lors d’une game jam en première année, ça a enclenché les choses. Je suis passé du serious game à l’ad-game puis à une prod de jeu chez Persistant Studio, mais c’est sur la voie de l’indépendance que je me suis le plus illustré.

 

IB – Comment en es-tu arrivé à créer ton propre jeu vidéo et à le faire éditer sur Nintendo ?

C’était en 2014, j’étais en 2e année à ISART et c’était l’année des 25 ans de la Game Boy ; Unity venait de sortir ses outils 2D ; j’ai mangé des Takoyaki pour la première fois et j’ai eu la vision d’un jeu avec un personnage poulpe. C’était comme un appel, le moment de me lancer.

C’est comme ça qu’a commencé « Save me Mr Tako ».
Je m’occupe de tout, sauf de la musique, composée par Marc-Antoine Archier (lui aussi rencontré en Game Jam). S’en est suivi 3 années de développement du jeu en parallèle d’ISART, mais aussi de mon travail qui me permettait de rembourser mon prêt étudiant. J’ai pu faire plusieurs salons en France comme les EIGD et le Stunfest, où j’ai pu rencontrer du monde et recevoir des retours sur le jeu.

En 2016 un rêve s’est réalisé ; j’ai été sélectionné au Tokyo Game Show ! N’ayant pas les moyens de me rendre au Japon, j’ai fait une cagnotte, qui a été financée en 2 jours grâce au soutien de la scène indé française.
Là-bas, j’ai rencontré mon futur éditeur pour la première fois, Nicalis (Cave Story+, Binding of Isaac Rebirth…). On s’échangeait des mails depuis le début du projet, mais ce n’est qu’à partir de cette rencontre qu’ils ont décidé de m’éditer.

En 2017, j’ai quitté mon travail, je suis passé indépendant à temps plein, j’ai terminé le contenu du jeu et j’ai signé avec eux. On travaille depuis sur la version Switch de « Save me Mr Tako », qui sortira en même temps que la version Steam cette année.

 

IB – Quelles difficultés as-tu rencontrées pendant le développement de ce projet et comment les as-tu surmontées ?

Gérer le fait de travailler sur le temps libre a été la plus grande difficulté. Cela inclut beaucoup de sacrifices, la vie personnelle en a pris un grand coup, mais je ne le regrette pas.

J’ai toujours eu confiance en Tako, ça m’a permis de me dépasser pour lui. Ce qui a aidé à ce niveau-là c’était de beaucoup communiquer sur le jeu. J’ai sorti une démo très tôt, j’ai toujours veillé à avoir un visuel polish pour pouvoir partager des gifs sur les réseaux sociaux, faire des salons et créer de l’intérêt autour du jeu.

Avec la visibilité viennent aussi les critiques qu’il faut savoir écouter. J’en ai parfois eu de gens proches (comme des camarades d’ISART ou des collègues de boulot), jugeant que l’attention que créait mon jeu n’était pas méritée. Un moyen de gérer ça, c’est de se concentrer sur les personnes pour qui ce que vous créez compte. S’entourer de gens qui font la même chose que vous, qui comprennent votre vision et vous encouragent à réaliser vos ambitions.

Ce fut un long voyage, mais globalement tout s’est passé comme prévu, voir au-delà de mes espérances. Le fait de pouvoir réaliser la plupart des choses seul a grandement aidé, j’ai pu tout planifier comme je le voulais très tôt, en posant des milestones et en prenant le temps de bien faire. J’ai rarement eu à attendre pour des assets et j’ai pu avancer à mon rythme, que j’aurais difficilement pu imposer à quelqu’un vu que j’avais zéro finance. Le développement a duré 4 ans, j’ai pu réaliser le jeu que je voulais en respectant ma vision de base, c’est une chance dans l’industrie aujourd’hui.

 

IB – « Save me Mr Tako » a été sélectionné de nombreuses fois déjà. Que représente cette reconnaissance pour toi alors même qu’il n’est pas encore sorti ?

C’est une grande fierté qui m’a porté pendant tout le développement du jeu. Je ne pensais pas arriver aussi loin et aussi vite lorsque j’ai commencé le développement. Ce sont les retours positifs et les articles qui m’ont donné le courage de passer de ma démo à un vrai jeu complet, de croire en l’univers que j’ai créé. J’ai pu rencontrer des créateurs de jeux que j’admire, voyager au Japon et aux US, signer avec le publisher que je voulais… Mon souhait était d’inspirer des gens, montrer que peu importe d’où on vient, de son âge, on peut accomplir des choses. En ce sens, j’ai déjà réussi. Maintenant on verra si le succès d’estime se transformera en succès commercial. Dans tous les cas, je suis content du jeu que j’ai fait et j’ai hâte que tout le monde puisse y jouer.

 

IB – As-tu déjà des projets en préparation après la sortie de « Save me Mr Tako » ?

J’ai plusieurs pistes, mais je ne suis pas encore décidé. Une partie de moi aimerait retourner dans un studio pour gagner de l’expérience, travailler à l’étranger, au Japon ou Montréal. Mais l’autre partie sait que je n’arriverai pas à m’empêcher de créer mes propres projets à côté, résister à l’appel de l’indé. J’ai déjà une vision pour mes prochains jeux, les ventes de Tako décideront de de leur possible financement. Je suis déjà assuré de rembourser mon prêt étudiant grâce à mon éditeur, ce qui m’enlève une grosse pression. « Tako » n’est que la première étape, j’ai hâte de voir ce que je vais pouvoir réaliser à l’avenir.

 

IB – Enfin, quels conseils donnerais-tu aux étudiants d’ISART pour optimiser leurs études et préparer leur avenir ?

Les conseils que je vais donner s’appliquent autant aux élèves d’ISART qu’a tout autre personne, tout âge et toute formation confondue. N’attendez pas d’entrer dans une école pour apprendre et créer, vous avez toutes les ressources et outils à disposition sur internet. Suivre une formation dans une école de jeux vidéo est un bon début, mais ça ne suffit pas pour entrer dans l’industrie. Cet écosystème est un terreau qui peut grandement accélérer les choses. Vous allez y rencontrer des gens avec les mêmes passions que vous. Faites des projets, participez à des game jams et allez dans des salons rencontrer les profess ionnels. Il faut profiter de chaque projet (même vos projets étudiants) pour créer quelque chose, laisser une impression. Lorsqu’on est en école on a tendance à oublier le monde extérieur et se comparer entre élèves via les notes, mais tout ça n’existe plus une fois la formation terminée. C’est votre portfolio qui vous démarquera, trouvez votre marque de fabrique, ce qui vous distingue et que vous voulez apporter au monde.

Ne laissez personne vous bloquer dans une case, que vous ayez eu une formation ou non, cela n’efface en rien ce que vous avez fait avant, pendant, et que vous ferez après. Vous pouvez être ce que vous voulez. Soyez passionnés, faites des choses que vous aimez, restez auto-critique et ouvert aux feedbacks. Il n’y a pas de secret, il va falloir travailler, et c’est bien plus agréable quand on le fait avec le cœur.